Escalade magique
J'arrive à convaincre Aurélie qu'on a le niveau pour grimper cette monstrueuse face Ouest. Il faut reconnaitre que, comme en 2010, lorsque la face s'est débarrassé de son cortège de brumes, j'ai été vraiment impressionné et comme pris de doute et j'ai utilisé mes propres arguments pour me convaincre moi même. C'est haut et si lisse...
Lorsqu'on voit la face toute la journée, on a le temps de s'habituer à son ampleur ; mais quand on fait l'approche intégralement dans le brouillard et que les 500m se dévoilent d'un coup, difficile de pas ressentir un petit coup au moral. Et se balader au pied, pour reconnaitre le début, n'arrange guère les choses.
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La bête au matin |
Mais le topo est formel : moyennant 2 longueurs d'artif (une et demi
en fait), et la capacité d'engager dans du 5c/6a, ca passe bien. Alors
on s'y fie, on se gave de soupe, on fait les malins au refuge avec la cara oooeste qui impressionne les autres qui vont tous à la Cepeda, et on y va malgré nos airs de touristes.
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Ambiance magique du lieu |
Le petit déj n'est qu'à 7h, pour préserver les doigts d'Aurélie on ne
partira pas plus tôt mais ça nous mettra un peu de pression pour avancer. On a un peu peur de la queue dans la voie... Le refuge était plein et les conditions sont si bonnes ! Mais il n'y a personne, c'est assez incroyable et ça augmente encore mon excitation, l'ambiance sera bien sauvage à souhait. Et puis on grimpera sans stress, avec le plaisir de la recherche de l'itinéraire. Les 2 premières
longueurs en fissures déroulent, il y a toujours la bonne prise où il
faut, ca protège c'est bien agréable, je sens l'euphorie me gagner.
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Fissures de départ |
Mais le premier crux me calme un peu, avec L3 en mixte artif/libre. Ca commence par un 6b en dalle bien équipé, puis un devers à gros bacs en 6c/7a qu'il faut protéger : j'avais un peu peur mais ca va, c'est assez court avant de trouver des lunules à clipper. Et puis y'a des pieds de partout, ce rocher est génial quand on vient du Vercors comme nous...
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L3, artif après le 6c |
Puis c'est du 7c en pur A0 evidemment pour des baltringues comme nous : il faut bricoler car bien sur on a pas pris 20 dégaines, il s'agissait d'optimiser le poids. Heureusement on a juste le bon nombre de sangles et on arrive au relais, ouf.
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Dans l'artif |
Ensuite deuxième crux, une longueur en 7a+. Ca se grimpe pas mal, j'aimerai être meilleur pour honorer ce rocher parfait, mais je dois tirer 2 ou 3 dégaines pour parvenir en haut. Désormais le sommet s'offre à nous, l'euphorie est revenue !
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Fin de L4 |
L5, l'envolée magique commence : la face est raide, le rocher est parfait, très adhérent et criblé de super prises. Il y a même de beaux spits, il fait ni chaud ni froid, le temps est stable, tout est réuni pour une belle journée.
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L5, il y a encore des spits |
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L6 |
Après L6 du même style, on arrive à la jonction avec la Rabada-Navarro et on retrouve les 3 Francais partis en même temps que nous... à la différence près qu'ils en sont déjà à la 13ieme longueur ! Je reconnais Nico que j'avais vu dans un film de grimpe, lui connait du monde à Petzl, le monde est petit.
Moment hallucinant quand j'observe leur leader choisir devant moi un beau mousqueton neuf, dessiné par Aurélie. Lorsqu'il me lance "je vais quand même pas prendre un simond pour faire mon relais" je regarde autour de moi pour voir les caméras cachées, c'est au milieu de cette face à mille km de Crolles qu'on trouve le seul mec sensible aux efforts de ma chérie pour dessiner de beaux objets.
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Nos 3 collègues français |
Ensuite ça déroule entre rocher à trous et bonnes fissures. Le gaz se creuse, les protections s'éloignent, on est bientôt au sommet !
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Les collègues dans la rabada |
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Moi dans L6 |
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Les 5c les plus beaux du monde |
On reconnait un à un tous les passages identifiées hier en épiant la face, je me sens schyzophrène en me visualisant si haut comme si j'étais resté en bas.
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la face ouest nous regarde la grimper |
Les 2 dernières longueurs, magiques à 500m au dessus du refuge, forment le deuxième crux : il s'agit de pas trop se perdre, car ca passe un peu partout mais il est pas facile de faire son relais si on se perd. Au final, on s'en tirera pas trop mal, avec juste le dernier relais raté.
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Ca engage pas mal !! |
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le refuge est tout petit... |
Un peu de corde tendue et c'est le sommet !
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sommet devant l'ocean |
On aura mis 8h30 dans la voie, moyennant une petite erreur à la fin. On retrouve la civilisation avec plusieurs cordées espagnoles un peu pénibles dans les rappels, et on est à l'heure pour l'apéro (le dernier crux).
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